La Légende Harley-Davidson

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Elle fascine depuis plus de 110 ans, a traversé la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale, incarne une figure emblématique de l’Amérique et porte sur son guidon les fondements d’une idéologie libertaire bien particulière. Malgré ce qu’en disent ses concurrents, la légende Harley-Davidson a changé à jamais le visage de la moto et continue à le faire de nos jours. 

Une crise à l’horizon

En 1959, un constructeur japonais jusqu’ici méconnu, Honda, introduit une petite motocyclette de 50 cc sur le marché américain. Au début, les motos nippones n’inquiètent personne à cause de leur manque flagrant de fiabilité, mais leurs prix exceptionnellement bas et la vitesse à laquelle elles se perfectionnent commencent à donner du fil à retordre au dernier survivant des constructeurs américains : Harley-Davidson.

Pour concurrencer les japonaises, la compagnie doit, encore une fois, commercialiser des modèles légers partout aux États-Unis. Pour ce faire, Harley-Davidson s’associe, à l’été 1960, avec la firme italienne Aermacchi, un fabricant d’avions militaires sous le régime de Mussolini. Son usine ayant été détruite pendant la guerre, la compagnie milanaise tente de se refaire dans l’automobile, mais se tourne ultimement vers les motos pour réduire ses coûts de production. Pour Harley-Davidson,  c’est le début d’une longue crise identitaire. 

Dès 1961, Harley importe d’Italie une petite moto de 250 cc (qui atteignait tout de même 130 km/h) et qui avait été introduite sur le marché italien par Aermacchi depuis 1957. En Amérique, elle sera rebaptisée « Sprint ». Sa cylindrée passera à 350 cc en 1969, et le modèle disparaîtra en 1975. Un an plus tôt, en 1960, la compagnie lançait, avec Aermacchi, un modèle de scooter de 165 cc à transmission automatique, le Topper. Il ne parviendra pas à déloger les japonais et sera retiré du catalogue en 1965 : seulement 2500 Topper ont été vendus. Un autre modèle italien de 175 cc sera présenté en 1962, sans grand succès. 

La plus grande réussite des années 60 arrivera en 1965 avec le remplacement de la Duo-Glide par l’Electra-Glide. Ce nouvel engin porte maintenant ce nom parce qu’il possède un démarreur électrique, bien qu’il conserve encore le système de démarreur à pied. Plusieurs innovations sont visibles sur cette moto, notamment un accumulateur de 12 volts et des freins à disque à l’avant comme à l’arrière. En 1966, son moteur Panhead sera remplacé par le dernier-né de Harley-Davidson : le Shovelhead. Ce nouveau moteur trouvera sa forme définitive en 1970. 

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La période AMF

En 1968, la situation est critique et la Harley-Davidson Motor Company est au bord de la faillite. La firme Bangor Punta, une entreprise qui œuvre dans les chemins de fer et qui s’est spécialisée dans la récupération de compagnies se dirigeant tout droit vers la ruine, aimerait bien mettre la main sur le fabricant de Milwaukee. Craignant la disparition, le président William H. Davidson se tourne plutôt vers l’American Machine & Foundry (AMF), qui souhaite également acheter Harley-Davidson. Le montant de la transaction s’élèvera à 22 millions de dollars.

Cette nouvelle association portera d’abord ses fruits en ce qui a trait à la production, qui atteindra 40 430 motos en 1974. Toutefois, Harley-Davidson ressentira rapidement les effets néfastes de la fabrication de masse : ses fidèles clients (européens comme américains) seront mécontents de sa perte de personnalité, et les standards de qualité caractéristiques de la firme commenceront à baisser. Bien qu’elle soit désormais équipée de machines modernes, le constat est clair : la Harley-Davidson Motor Company ne peut tenir tête aux Japonais dans leur principal filon. Honda s’attaque même aux gros V-twin en introduisant, à la fin de l’année 1974, la fameuse Gold Wing. 

Entretemps, d’autres problèmes liés à l’accroissement de la production font leur apparition. En 1973, Harley-Davidson possède deux usines : celle de Milwaukee et celle de Capitol Drive. Néanmoins, ces dernières ne suffisent plus, ce qui pousse la direction d’AMF à déménager la fabrication des cadres et le montage dans son usine de York, qui contenait jusque là du matériel militaire. Cette séparation des tâches entraînera un manque de communication flagrant entre les usines. Celles-ci seront complètement déphasées et seront gérées de manières différentes selon l’administration en place. La qualité des produits en sera inévitablement affectée et deviendra même très instable.

Au retour d’une grève de trois mois, le nouveau responsable d’AMF, Ray Tritten, nomme Vaughn Beals à la tête du siège social de Milwaukee pour pallier la réputation de plus en plus mauvaise de l’entreprise. Bien qu’il ne provienne pas du monde de la moto, Beals est un redoutable homme d’affaires et réussira à sortir la compagnie du mode survie en la dotant d’une politique de gestion à long terme. Avec Jeff Bleustein, le nouveau responsable investit 10 millions de dollars dans le projet Nova, dans lequel Porsche a développé un nouveau moteur V4. Toutefois, ce prototype, pour lequel la recherche continuera jusqu’en 1983, ne quittera jamais l’usine. Le nouveau moteur des années 70 arrivera en 1978 : le V2 Evolution, aussi connu sous le nom de « Blockhead ». Ce V-twin amélioré équipera les motos Harley-Davidson à partir de 1984. 

Les résultats de la gérance d’AMF sont aujourd’hui sujets à controverse. Plusieurs critiquent durement la firme pour ses politiques commerciales aliénantes pour l’identité unique de Harley-Davidson. Néanmoins, certains ne manquent pas de souligner la conception du V-twin Evolution et la production de modèles à l’image marquante, comme la Super-Glide de 1971, dessinée par Willie G. Davidson.

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L’affranchissement et l’ascension vers la gloire

En 1981, la Harley-Davidson Motor Company est considérée comme irrécupérable. Les nombreux projets de recherches (comme le projet Nova mentionné plus haut) poursuivis par la compagnie sont abandonnés à cause des problèmes économiques de la firme. Les grosses cylindrées japonaises font leur place sur le marché et sont offertes à des prix plus avantageux que ceux du constructeur américain. Dépassé par les évènements, Vaughn Beals démissionne de son poste, mais demeure au sein de la famille AMF. Néanmoins, son passage à la tête de Harley-Davidson l’aura marqué, car le 26 février 1981, l’ex-responsable met en œuvre un plan de rachat de l’entreprise. Pour ce faire, il réunit 12 cadres de Harley-Davidson insatisfaits de la gestion d’AMF afin de leur proposer de racheter ensemble la compagnie. Le prix est évidemment bon marché à cause de la situation précaire de la Harley-Davidson Motor Company. Au même moment, John A. Davidson (un des fils de William H. Davidson), qui œuvrait jusque là comme directeur du département des voiturettes de golf, quitte la compagnie. Son frère, Willie G. Davidson, qui a commencé sa carrière au département du design (on lui doit notamment la Super-Glide), devient le dernier représentant familial à demeurer dans l’entreprise. L’acte de vente cédant Harley-Davidson à la coalition des 13 cadres est signé le 16 juin 1981 par Ray Tritten, toujours président d’AMF. La Harley-Davidson Motor Company pourra enfin surmonter son dualisme identitaire. 

Si l’indépendance se veut un moteur de changement, celle-ci ne peut toutefois pas faire disparaître les aléas du marché, qui semble taillé pour les constructeurs japonais. Pour se sortir de l’impasse, l’équipe de direction entreprend donc d’étudier leurs concurrents nippons. Fins observateurs, les dirigeants de Harley-Davidson en tirent une méthode en trois étapes, plus ou moins pastichée, qui prévaudra dans toutes les usines de la marque (Milwaukee : administration; Wauwatosa : moteurs et boîtes de vitesses; York : assemblage). En voici les trois opérations :

  1. Le EI (Employee Involvement), qui consiste en la participation entière de l’employé à la résolution des problèmes pour assurer une qualité optimale des produits.
  2. Le JIT (Just in Time Inventory), qui est un inventaire permanent permettant le contrôle des quantités dans le temps afin de réduire les coûts de production.
  3. Le SOC (Statistical Operator Control), qui est le contrôle que chaque employé fait de lui-même.

Ces nouvelles stratégies règleront les problèmes de qualité et rentabiliseront la production assez rapidement. Par contre, les motos japonaises restent tout de même beaucoup plus abordables. Pour revenir concurrentiels, les dirigeants de Harley-Davidson se tourneront vers  l’International Trade Commission. L’ITC demandera au président Ronald Reagan d’augmenter la taxation des grosses cylindrées (plus de 700 cc) japonaises pour 5 ans (jusqu’en 1988). Le gouvernement accèdera à la requête de la commission et frappera avec une taxe de 45 % dès 1983. Le pourcentage sera revu à la baisse progressivement jusqu’en 1988. 

La mesure connaîtra l’efficacité escomptée : en 1987, seulement 10 000 motos japonaises ayant une grosse cylindrée circulent sur le marché américain. Entretemps, Harley-Davidson retrouve son rythme de production normal, ce qui pousse Vaughn Beals, en homme d’affaires honnête, à demander au gouvernement de rétablir la concurrence. 

La relance de Harley-Davidson dans les années 80 s’est faite à l’aide de quelques bons coups. En 1983, la firme obtient un contrat avec l’US Air Force, pour qui elle fabrique des casiers en métal destinés au rangement des bombes. Ce contrat rapportera environ 20 millions de dollars chaque année, ce qui représente 40 % des profits de la firme, et tout ça dans un secteur n’occupant que 20 % de la production! De plus, comme mentionné plus haut, les moteurs V-twin Evolution V2 de 1978 commencent à équiper les motos Harley-Davidson en 1984. Le successeur du Shovelhead inspirera confiance aux clients de la compagnie. Néanmoins, ce sont les coups de mercatique qui édifieront la légende derrière l’entreprise. En effet, afin de créer un sentiment nationaliste fort chez sa clientèle, la compagnie fabriquera des motos en séries limitées associées à des évènements symboliquement marquants dans l’imaginaire américain. Un bon exemple de cette pratique (toujours présente aujourd’hui) serait la Liberty Edition de 1985, qui soulignait le centenaire de la statue de la Liberté. Par la suite, après son entrée en bourse, Harley-Davidson achètera la Holiday Rambler Corporation, un fabricant d’autocaravanes, pour finalement s’en départir en 1996 et se consacrer à la moto. Cette décision sera bénéfique puisque la firme produira plus de 200 000 motos en 2003. 

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Le passage à la postérité

Avec la postmodernité vient un vent d’individualisme qui place la customisation au cœur du marché. Les choppers, balbutiements de cette nouvelle tendance, font leur apparition dans les années 40 et 50. Une nouvelle génération en réaction souhaite vivre selon ses propres règles et chevaucher des motos plus performantes. Dans ces années, aucune pièce supplémentaire n’est en vente pour améliorer sa machine, les motocyclistes décident donc de « déshabiller » leur moto et d’en allonger la fourche pour les rendre plus aérodynamiques et rapides. Viennent ensuite des films cultes comme The Wild One [L’Équipée sauvage] (1953), un fait vécu décrivant la révolte d’un groupe de motards (non membres de l’American Motorcycle Association) lors des célébrations du jour de l’Indépendance à Hollister, une petite ville de la Californie. Ces saccageurs seront les premiers membres du club des 1 %, expression apparue après que l’AMA ait affirmé que 99 % des motocyclistes étaient respectueux des lois. Un autre film viendra tempérer ce symbole, mais sans abandonner les idées libertaires : Easy Rider(1969), où l’image flamboyante de Peter Fonda et Dennis Hopper, chevauchant leurs imposants choppers propulsés par des moteurs Panhead, fera d’un réseau marginal regroupant quelques spécialistes une véritable industrie de la customisation dès la fin des années 60. 

Au courant des années 80 et 90, plusieurs experts de la modification, comme Custom Chrome, Drag Specialties et le fameux Arlen Ness, aident à la popularité de Harley-Davidson en personnalisant ses motos, souvent des Sportster ou des Softail, le premier modèle équipé du moteur Evolution sorti à la fin de l’année 1983. Au milieu des années 90, les dirigeants de la firme prennent conscience que les produits dérivés et les pièces optionnelles forment une véritable mine d’or. Depuis le début de la décennie, Clyde Fessler s’occupe déjà du développement de la division « Motorclothes », qui produit les vêtements et les accessoires Harley-Davidson (qui feront du symbole de la compagnie, chez les motocyclistes ou non, une icône populaire et incroyablement profitable). Par contre, la firme souhaite également commercialiser des pièces pour s’attirer un peu des profits des quelque 4500 magasins indépendants et spécialisés Harley-Davidson aux États-Unis. À cause de toutes les contraintes légales auxquelles sont soumises des entreprises comme la Harley-Davidson Motor Company, celle-ci n’arrivera pas à concurrencer la production de ses rivaux : il faudra chercher ailleurs. Clyde Fessler, aussi responsable du département des accessoires, nommé Genuine Motor Accessories (GMA), conçoit, avec son équipe, une gamme d’accessoires destinés aux futures motos afin que celles-ci soient modifiables en option par Harley-Davidson, et ce, dès leur mise en marché. Les premiers de ces accessoires seront dévoilés au rassemblement de Sturgis, en 1995. La gamme détachable offrait des porte-bagages, un pare-brise manœuvrable sans outils, des sissy bars et des sacoches. Le nom déjà très célèbre de la firme suffira à faire de ces accessoires un succès. Le siècle se terminera sur la conception du moteur Twin Cam 88, conçu pour les Softail.

Au tournant du siècle, Harley-Davidson fait une entrée fracassante qui annonce une période de prospérité. Dès 2001, la compagnie frappe fort avec la sortie du V-Rod, une moto qui, à l’image de son puissant moteur Revolution, est tout simplement révolutionnaire. Son design reprenant le style « dragster » est en rupture avec tout ce que Harley-Davidson a fait auparavant, mais s’intègre tout de même bien au catalogue de la marque, sans compter son succès auprès d’une nouvelle génération de motocyclistes. Par la suite, le triomphe des célébrations du centenaire de 2003 dépassera toutes les attentes avec près de 300 000 motos produites cette année-là. La fête finale, donnée à Milwaukee, attirera, selon les chiffres de la police locale, entre 200 000 et 250 000 motos et environ 500 000 personnes au total! Ceci marque la consécration de Harley-Davidson. Cette effervescence se fera aussi sentir les années suivantes : la production atteindra 349 196 motos en 2006, et la courbe aura été croissante jusque là. Pour séduire une clientèle plus jeune, la firme continue également à développer les motos sportives de l’ingénieur Erik Buell. Toutefois, la filiale, qui appartenait alors à Harley-Davidson, fermera ses portes en 2009, coulée par la crise de 2008. La compagnie de Milwaukee en profitera pour se concentrer sur ses motos et retournera sur le chemin de la croissance. Harley-Davidson est aujourd’hui un meneur dans l’industrie des grosses cylindrées. Des Sportster, Softail et V-Rod aux Road King et Electra-Glide, la Harley-Davidson Motor Company œuvre au présent pour une clientèle vaste, soutenue par la force de sa légende. 

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